Présentation du séminaire Reconstitution de la collection

Reconstitution d’une collection dispersée : la collection de François-Roger de Gaignières (1640-1715) est un séminaire dirigé par Anne Ritz-Guilbert, proposé dans le cadre du parcours Histoire de l’art appliquée aux collections du Master 2 de l’École du Louvre (8 séances de 3h réparties sur un trimestre). À partir des inventaires détaillés pièce à pièce rédigés entre 1715 et 1717, les étudiants sont invités à reconstituer les portefeuilles de dessins et d’estampes légués au roi par François-Roger de Gaignières et dispersés à la mort de ce dernier. Si l’on connait bien les dessins de Louis Boudan répertoriés dès 1896 par Henri Bouchot, on a perdu la trace de la majorité des estampes. Celles-ci représentent pourtant plus de 80% des planches contenues dans les 433 portefeuilles décrits dans les inventaires. Elles ont été soit vendues en 1717 car elles faisaient double emploi avec les collections royales, soit fondues dans les séries documentaires du cabinet des estampes de la bibliothèque royale, ou encore versées au cabinet des Cartes et plans ou à l’Arsenal.

L’enquête, menée par les étudiants, investie pour l’essentiel les fonds du département des estampes et de la photographie de la BnF et les résultats sont restitués numériquement dans la base de données Collecta. Ce séminaire se veut une initiation à la recherche par la recherche. Il offre l’occasion d’expérimenter les méthodes propres à l’archéologie des collections et de réfléchir aux enjeux des humanités numériques en histoire de l’art.

Au cours de leur enquête, les étudiants peuvent être confrontés à plusieurs difficultés :

1. La transcription de l’inventaire. Même si l’écriture des copistes au service de Pierre de Clairambault est relativement facile à déchiffrer, des abréviations posent des problèmes ainsi que certains termes qui semblent parfois orthographiés phonétiquement laissant supposer des méthodes de copie par dictée. Il leur est donc nécessaire d’une part de se familiariser avec les règles de transcription, en l’occurrence celles préconisées par M. Barbiche et d’autre part d’identifier les termes inconnus, qui ont été mal orthographiés par les copistes, qui n’existent plus aujourd’hui ou qui ont changé de réalité depuis le XVII^e siècle.
2. La recherche au sein du département des Estampes. Elle nécessite de connaitre l’histoire du département et de son cadre de classement ainsi que la nomenclature prévalant au XIX^e siècle ayant durablement régi la répartition par sujet des documents et leur catalogage comme c’est le cas par exemple pour la topographie de la France et certains départements désormais caducs. D’une manière générale, on peut trouver des estampes ayant appartenu à Gaignières dans l’œuvre du graveur (le nom de ce dernier étant fréquemment spécifié dans l’inventaire) ou plus souvent dans les fonds documentaires classés par sujet. Il sera également possible de reconnaitre quelques estampes Gaignières dans le fonds Matière ou à l’Arsenal.
3. L’identification des exemplaires ayant appartenu avec certitude à Gaignières. L’estampille « Gaig. » apposée dans l’angle supérieur droit des planches est à ce stade une aide précieuse. Néanmoins, pas totalement infaillible. Alors que les planches iconographiques arrivent au cabinet des Estampes dès 1740, leur estampillage ne s’effectue qu’une centaine d’années plus tard sous la monarchie de Juillet. Entre-temps, des classements et des transferts sont advenus ayant pour conséquence l’oubli de nombreuses estampes restées non estampillés ou, plus grave, l’estampillage de documents postérieurs à la mort de Gaignières. L’étude critique de chaque document estampillé est par conséquent indispensable.
4. La mise en relation de l’item décrit dans l’inventaire avec une estampe et inversement. En raison de la dispersion et de l’estampillage tardif des planches, le pourcentage d’estampes identifiées ayant appartenues avec certitude à Gaignières et rattachées à un portefeuille reconstitué s’avère assez faible en dépit de la précision de la description de la plupart des items mentionnant le titre inscrit sur l’estampe ou à défaut le sujet, le nom du graveur, la date d’impression et le format. Des exemplaires de substitution répondant en tout point à la description peuvent être alors proposés comme tels. Néanmoins, la description des items n’est pas toujours suffisante et laisse orphelines des estampes pourtant estampillées « Gaig. ».
5. La saisie des informations dans la base de données Collecta. Outre les spécificités du back-office et l’exigence de rigueur explicitées dans un vadémécum dédié, la saisie des informations nécessite entre autres l’apprentissage du vocabulaire propre à l’estampe et de la recherche dans les fichiers d’autorités des noms de personne ou de lieu cités dans les documents.

Les résultats de l’enquête ne se limitent pas seulement à la reconstitution d’un portefeuille. En plus des hypothèses sur les classements que la visualisation numérique en mode mosaïque de l’ouvrage reconstitué, même partiellement, permet de proposer, celle-ci peut faire émerger la vision ou simplement l’état de la connaissance que pouvait avoir Gaignières, homme du XVII^e siècle, sur tel ou tel sujet. Dans sa collecte de seconde main, quelles sources l’antiquaire avait-il à sa disposition ? A-t-il découpé des ouvrages imprimés pour nourrir ses portefeuilles thématiques ? Pour quelles raisons a-t-il complété ses ensembles gravés par des dessins ? Certains graveurs ou éditeurs sont-ils davantage représentés ? Peut-on deviner des réseaux spécifiques propres au marché de l’estampe ? Autant de questions que se sont posées les étudiants dans le temps limité de leur enquête.

Anne Ritz-Guilbert

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